La croissance est le fil conducteur du secteur de l’édition de logiciels ! Pour la 16ème année, le chiffre d’affaires du secteur est en croissance.
On atteint même cette année une croissance à deux chiffres à +10% pour les entreprises de l’Edition 2021. Mais cette constance affichée cache des mouvements
sous-jacents qui font l’intérêt de notre étude. Ce classement, qui fait désormais office de référence dans l’industrie de l’édition de logiciels,
s’attache en effet depuis la première édition en 2005, à décrypter les tendances et à identifier les moteurs de ce secteur stratégique pour l’innovation technologique.
Cette année, le Truffle 100 nous oblige à nous interroger sur deux thématiques.
Un marché qui se renforce dans la crise ?
Le secteur, qui représente un marché de 22 Mds€ en 2021 a traversé plusieurs crises qui auraient pu casser sa dynamique de croissance: la crise du covid,
la remontée des taux et de l’inflation, sans oublier la guerre en Ukraine. Mais cela n’a pas été le cas. D’une part, la crise du Covid est allée dans le sens
du développement de ce secteur en accélérant l’adoption des usages liés au numérique, par optimisation ou par contrainte. D’autre part, l’édition de logiciels est
peu exposée aux déséquilibres extérieurs, notamment géopolitiques. La plupart des emplois, 176 000 en 2021 dont 30 000 dans la R&D, sont hautement qualifiés
et demandent de la réactivité. Ces deux critères de recrutement amènent les entreprises à privilégier l’échelon local. Ces emplois sont donc non délocalisables,
participent pleinement de la souveraineté numérique du pays, tout en proposant des solutions à l’échelle mondiale, pour tout type d’acteur !
Enfin les retournements de cycles ne font qu’accroitre la pression sur les entreprises et ainsi la nécessité qu’elles ont d’innover, de se rationaliser et
donc de faire appel au numérique.
Le Palmarès Truffle 100 se lit aussi au regard des éditions qui l’ont précédé, car c’est la vision au long court qui nous permet de faire la part des choses
entre ce qui relève de l’effet conjoncturel et ce qui constitue une véritable tendance structurelle. De ce point de vue, force est de constater que la croissance,
malgré les crises, est une constante et que donc l’industrie française du logiciel n’est pas seulement « résiliente », mais qu’en réalité, les crises constituent pour elles,
un véritable levier de croissance.
Le déséquilibre du marché de l’emploi dans la tech peut-il durer ?
L’activité est tirée par une mutation durable des usages, à l’origine de l’augmentation de la demande pour des profils Tech. Mais cette activité pourrait bien
se voir freinée par la raréfaction de ces profils, à moins que le marché de l’emploi ne se rééquilibre dans les années à venir.
Les startups et scale-ups, mues par un besoin vital de changement d’échelles rapide, ont participé à la « financiarisation » du recrutement.
Selon le palmarès Fintech100, réalisé par Truffle Capital, les 100 premières Fintechs en France ont levé, à elles seules, plus de 5 Mds€ en 2021.
Cet apport de liquidités a notamment été dirigé vers le recrutement de profils Tech. Si le marché a tiré la demande en volume, les startups et les scale-ups ont tiré
le marché en valeur. C’est en partie ce qui a fait monter les enchères non seulement dans le secteur des fintechs mais aussi au-delà !
Or, le secteur de l’édition de logiciels ne répond pas à la même logique que celle des startups. En effet, ce secteur est autofinancé et n’utilise que peu de financement
externe. Si les deux secteurs ne jouent pas à armes égales sur le terrain du recrutement - particulièrement durant les périodes de valorisation très élevées induisant
des apports en capitaux substantiels – la chasse aux talents constitue pour chacun un enjeu fondamental de leur développement. Cependant on peut donc s’interroger :
l’édition de logiciels réussira-t-elle à suivre cette tendance inflationniste, ou bien la frilosité nouvelle des marchés et des investisseurs en capital ralentirat-elle cette « financiarisation » ?
Bernard-Louis ROQUES, Directeur Général et co-fondateur de Truffle Capital
Éditorial - Nadia IDRISSI
Le Truffle100 2022 est un excellent cru, représentatif d’une réelle embellie pour l’industrie du progiciel.
Le millésime 2022 du Truffle100 confirme que le
« vent d’optimisme » dont nous faisions mention
dans l’édito de la précédente édition 2021, a bien
soufflé sur le marché de l’édition de progiciels.
En effet, 97% des éditeurs ont vu leur chiffre
d’affaires progresser, soit le plus haut niveau
depuis 2014. Rappelons qu’en 2020, 36 % des
entreprises avaient vu leur chiffre d’affaires
baisser.
Les éditeurs ont donc fait preuve de résilience
Ce dynamisme est également porté par Vivatech,
fer de lance de l’innovation en France et qui
devient de plus en plus un pôle international où
sont présents les start ’up et les grands éditeurs.
C’est donc un indéniable effet rebond qui
bénéficie à l’ensemble de l’industrie, y compris
celle des services. Au-delà, ce sont les
fondamentaux de l’industrie qui se sont renforcés
avec la crise COVID (la demande des clients, la
digitalisation des process, etc)..
Cette croissance est largement soutenue
par la montée en puissance du Cloud (82 % )
génératrice de croissance du fait de la transition
technologique du parc installé encore fortement
Client Serveur. La cybersécurité et les applications
des nouvelles technologiques comme l’IA/
machine learning en sont les corollaires.
Pour financer ces développements, 20% des
éditeurs ont retenu le principe d’une introduction
en bourse, le second plus bas chiffre depuis 2004
alors que 22 % se sont adossés à un investisseur
en capital risque (29 % en 2020).
Dans le registre des aides attendues, 54 % des
éditeurs souhaitent l’émergence d’un programme
européen de soutien à la R&D au travers de
dispositif de type « Small Business Act » adapté
au développement économique des petites et
moyennes entreprises de l’édition de progiciels.
C’est ainsi que plusieurs éditeurs, nous ont fait
part d’une pénurie de ressources qui affecte
les délais de déploiement de leurs progiciels.
Certains d’entre eux sont amenés à demander à
leurs clients de patienter plus de 6 mois avant de
débuter la phase d’implémentation.
Pour y faire face, 84 % des éditeurs ont
massivement lancés des programmes de
recrutement sur 2022 provoquant une tension
sur le marché de l’emploi qui elle-même entraîne
une hausse des salaires. Cette situation pourrait
toutefois se retourner si la crise en Europe
perdure et les entreprises entrent dans une
nouvelle phase d’attente en réduisant leurs
investissements.
On pouvait craindre les effets de la guerre en
Ukraine. Aux dires des éditeurs de progiciels, ils
ne subissent pour l’instant que faiblement les
impacts de celle-ci sur leurs opérations. Pourtant,
ce pays est une importante base de soustraitance
de développement logiciel avec plus de
212 000 développeurs recensés avant-guerre et
produisant 16 000 nouveaux diplômés chaque
année (source cabinet Everest).
Reste à évaluer les conséquences des risques
d’inflation à plus long terme. Le FMI voit se
dessiner un ralentissement de l’économie aux
USA sur 2023 (1.7 % de croissance pour 2.9 % en
2022) frôlant même la possibilité d’une récession.
Notamment certains éditeurs américains
s’adaptent à d’éventuelles conséquences de
cette situation notamment en resserrant leurs
effectifs
Toutefois les ETI ont besoin de poursuivre
leur transformation numérique et génèrent de
l’activité pour les éditeurs, ce qui a pu permettre
des records pour certains éditeurs en 2021.
Néanmoins, même si la prudence est de mise, le
moral reste élevé et la dynamique excellente.
Nadia IDRISSI, Présidente de teknowlogy | CXP-PAC
et
Patrick RAHALI, Consultant / Analyste senior
